
Les 60 ans d'amitié germano-israélienne assombris par la guerre à Gaza

Le président israélien donne lundi en Allemagne le coup d'envoi des célébrations des 60 ans de relations diplomatiques avec le pays responsable de la Shoah, à un moment où ces liens sont mis à l'épreuve par la guerre à Gaza.
Le président israélien Isaac Herzog s'entretiendra à Berlin avec son homologue Frank-Walter Steinmeier. Une conférence de presse commune est prévue en fin de matinée.
Puis tous deux, accompagnés de leurs épouses, partiront mardi vers Israël. Le chef d'Etat allemand rencontrera durant deux jours des jeunes, des intellectuels ou encore des habitants de kibboutz.
Le moment s'annonce délicat. Le 60e anniversaire tombe alors que "l'ambiance n'est pas vraiment à la joie et à la fête", a reconnu auprès de l'AFP un conseiller de M. Steinmeier, sous couvert d'anonymat.
"Nous sommes extrêmement préoccupés par les souffrances de la population civile dans la bande de Gaza", a-t-il ajouté.
Les secours palestiniens font état d'une catastrophe humanitaire dans ce territoire occupé, une affirmation rejetée par Israël, qui empêche l'acheminement de l'aide depuis plus de deux mois.
Le président allemand, considéré comme un fin diplomate, prévoit d'aborder le sujet lors d'un entretien mardi avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, visé - aux côtés notamment du chef militaire du Hamas Mohammed Deif, aujourd'hui décédé - par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre présumés.
- "Miracle"
L'Allemagne, qui a élevé l'existence d'Israël au rang de raison d'Etat, est l'un des plus fidèles soutiens de ce pays, avec les Etats-Unis.
Après un rapprochement entamé par le chancelier Konrad Adenauer dans les années 1950, l'établissement de relations bilatérales a été officiellement proclamé le 12 mai 1965.
Un événement souvent qualifié de "miracle" ou de "cadeau" par les dirigeants allemands, en raison de la responsabilité de leur pays dans l'Holocauste qui a coûté la vie à plus de 6 millions de juifs.
Depuis, les deux nations sont liées "par une véritable amitié", a assuré à l'AFP l'ambassadeur israélien à Berlin, Ron Prosor.
Au-delà, ils ont établi des liens étroits en matière de défense, Israël achetant notamment des sous-marins allemands et Berlin acquérant des systèmes de défense antiaérienne israéliens.
Mais la guerre dévastatrice menée par Israël à Gaza, en réaction à l'attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre 2023, a suscité des accusations de nombreux pays et de groupes de défense des droits humains, qui la jugent largement disproportionnée.
Les relations germano-israéliennes en ont souffert, même si Berlin reste prudent dans ses critiques.
Si "Israël a un intérêt légitime à repousser le terrorisme du Hamas, il a également une obligation humanitaire envers la population de Gaza", a déclaré le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz.
En visite dimanche à Jérusalem pour l'un de ses premiers déplacements, le chef de la diplomatie allemande Johann Wadephul a jugé "compréhensible que le gouvernement israélien cherche des moyens d'empêcher le Hamas de continuer" à "abuser" de l'aide humanitaire.
- Montée de l'antisémitisme -
Dans un parallèle historique sur les liens rétablis avec l'Allemagne "après les pires atrocités commises par les nazis contre les juifs" pendant la Seconde guerre mondiale, Isaac Herzog a estimé que "cela donne l'espoir que nous pouvons rêver de paix avec les Palestiniens", dans un entretien au journal allemand Die Welt.
Pourtant l'Allemagne, comme d'autres pays européens, connaît une résurgence de l'antisémitisme, provenant des extrêmes de droite et de gauche et de communautés arabe et musulmane, qui s'est encore accentué depuis le 7 octobre 2023.
A cela s'ajoute une remise en question de la "culture de la mémoire" des crimes nazis, alimentée par le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), en plein essor.
Une ambiance qui inquiète les juifs d'Allemagne, qui viennent de perdre l'un de ses témoins les plus éminents des horreurs nazies, Margot Friedländer, une rescapée de la Shoah décédée vendredi à l'âge de 103 ans.
Le maintien de liens étroits avec Israël n'est plus qu'un "projet de l'élite" politique en Allemagne, ont déploré l'ancien ambassadeur israélien Shimon Stein et le professeur Moshe Zimmermann, de l'Université hébraïque de Jérusalem, dans une tribune publiée dans l'hebdomadaire Die Zeit.
Ce que paraît appuyer une étude de la Fondation Bertelsmann, où seulement 36% des sondés ont une "très bonne ou bonne opinion" d'Israël, soit une baisse de 10 points par rapport à 2021.
G.Aguilar--HdM