
Duel présidentiel en Roumanie entre un candidat trumpiste et un maire pro-européen

Maintenir le cap européen et le soutien à Kiev ou se tourner vers l'extrême droite : la Roumanie vote dimanche pour élire son président, cinq mois après la spectaculaire annulation d'un scrutin entaché de soupçons d'ingérence russe.
Le chef du parti nationaliste AUR, George Simion, 38 ans, et le maire centriste de Bucarest, Nicusor Dan, 55 ans, s'affrontent pour décrocher le poste suprême, doté du pouvoir de nommer à des postes clés et de participer aux sommets de l'UE et de l'Otan.
Le premier, un souverainiste fervent admirateur de Donald Trump, a largement dominé le premier tour avec un score de près de 41%, le double de son rival, mais les sondages, pas toujours fiables par le passé, les placent désormais au coude-à-coude.
L'élection est surveillée de près par la communauté internationale, Bruxelles s'inquiétant de voir les rangs des dirigeants d'extrême droite s'étoffer et Washington, très critique du fiasco du scrutin de l'automne dernier, appelant à respecter la voix du peuple.
Membre loyal de l'UE, la Roumanie, une nation de 19 millions d'habitants voisine de l'Ukraine, est devenue un pilier essentiel de l'Otan depuis le début de l'offensive russe en 2022.
"J'ai voté pour une vie meilleure" et rester sur le chemin européen, a confié Catalin Birca, retraité de 57 ans, interrogé par l'AFP à Bucarest, refusant de "revenir à la case départ".
- "Un tournant" -
Ancien hooligan ayant cherché à lisser son discours ces derniers mois, M. Simion se dit persuadé qu'il sera "le prochain président de Roumanie". Sauf en cas de "fraudes massives", a-t-il averti, ouvrant la voie à une contestation en cas de défaite.
Ce détracteur des "politiques absurdes de l'UE" pourrait cependant pâtir d'une série de faux pas dans l'entre-deux-tours, entre "agressivité" et absence à de nombreux débats, selon les analystes.
Son adversaire, un mathématicien de formation, espère quant à lui un sursaut des abstentionnistes, après un premier tour marqué par un taux de participation de seulement 53%.
Les sondages de sortie des urnes seront publiés peu après la fermeture des bureaux de vote à 21H00 locales (18H00 GMT) et les résultats devraient parvenir dans la nuit.
"C'est un tournant, une élection décisive. La Roumanie choisit son avenir non seulement pour les cinq prochaines années mais pour bien plus longtemps", a déclaré en votant à Fagaras, sa ville natale de Transylvanie, Nicusor Dan, un Européen convaincu et fervent soutien de Kiev.
George Simion veut quant à lui mettre un terme à l'aide militaire à l'Ukraine: il exige une "compensation financière" pour l'assistance fournie jusqu'ici et prône "la neutralité", tout en se défendant d'être "l'ami de Vladimir Poutine".
- "Georgescu président!" -
"Contre les injustices" et "humiliations dont nos soeurs et frères ont été victimes, contre ceux qui nous méprisent tous" et "pour que notre avenir soit décidé uniquement par et pour les Roumains": son message, répété dimanche quand il a voté à Mogosoaia, près de la capitale, séduit de nombreux électeurs las d'être considérés comme des citoyens de seconde zone dans l'UE.
Il s'est de nouveau affiché avec Calin Georgescu, celui qui avait surpris en terminant en tête du scrutin du 24 novembre après une campagne massive sur TikTok dont le mode opératoire pointait vers la Russie.
Cet ex-haut fonctionnaire a depuis été inculpé et exclu de cette nouvelle course, une décision qui a provoqué des manifestations parfois violentes.
George Simion est lui aussi très présent sur les réseaux sociaux, rouvrant dimanche ses comptes Facebook et TikTok temporairement fermés la veille pour "une journée de silence".
L'extrême droite roumaine capitalise sur une population frustrée, notamment dans les campagnes, face aux "politiciens voleurs" au pouvoir depuis 1989 et en colère devant les difficultés économiques d'un des pays les plus pauvres de l'UE.
"Calin Georgescu président!", a crié une petite foule venue avec des fleurs accueillir son héros déchu.
"Nous voici avec un président officiel et un président honorifique, quelle chance", plaisantait Liliana Circiu, une religieuse de 54 ans, priant pour "une Roumanie sainte et pure".
N.Calero--HdM