
De Téhéran à Toronto par la Turquie : une Iranienne fuit la guerre

Traînant deux valises et un sac à dos, Homa semble épuisée après avoir franchi la frontière turque au terme d'un long voyage depuis Téhéran, où elle était en vacances lorsque la guerre israélo-iranienne a éclaté.
Analyste financière au Canada, cette femme de 40 ans s'est retrouvée bloquée à Téhéran lorsque l'Iran a fermé son espace aérien après qu'Israël a lancé une vaste campagne de bombardements avant l'aube, vendredi dernier.
Homa, qui n'a pas donné son nom de famille, a rapidement cherché un autre moyen de sortir, trouvant un bus pour la frontière nord-ouest de l'Iran avec la Turquie, un voyage de 850 kilomètres.
Après avoir vécu quatre jours de conflit, elle a quitté Téhéran mardi à 20 heures et est arrivée mercredi après-midi au poste frontière de Kapikoy, dans la province de Van, à l'est de la Turquie.
De nombreuses personnes quittaient Téhéran, comme sa propre famille qui s'est rendue à Shahriar, une ville voisine située à une trentaine de kilomètres à l'ouest, sur un trajet qui a duré "des heures, en raison de la circulation dense", a-t-elle dit. "Ils ne sont pas en sécurité, je m'inquiète pour eux".
À ce jour, l'Iran affirme qu'au moins 224 personnes ont été tuées dans les attaques israéliennes visant les infrastructures militaires et nucléaires de l'Iran, tandis qu'Israël affirme qu'au moins 24 personnes sont mortes dans les représailles de Téhéran.
Malgré son long voyage, Homa a encore un long chemin à parcourir avant de retrouver sa famille à Toronto.
"Pour l'instant, je vais à Erzurum, puis à Istanbul, puis à Dubaï et enfin à Toronto", a-t-elle précisé avant d'entamer la prochaine étape de cinq heures.
- Messageries sous sourveillance -
La situation à Téhéran "n'est pas bonne. J'ai eu l'impression de ne pas être en sécurité", a-t-elle confié à l'AFP, ajoutant que le bruit des missiles était effrayant et qu'il était impossible de dormir.
"Je n'ai pas pu dormir pendant cinq nuits consécutives", a-t-elle déclaré à l'AFP, expliquant que les bombardements dans l'est de la ville l'avaient obligée à se déplacer vers le nord.
La communication est difficile. "Je n'ai même pas réussi à faire fonctionner le VPN. Telegram, WhatsApp, Instagram sont tous filtrés et le WiFi fonctionne par intermittence", a-t-elle dit.
Kapikoy, qui se trouve à 100 kilomètres à l'est de la ville turque de Van, au bord du lac, est le principal point de passage entre la Turquie et l'Iran.
Jusqu'à présent, il ne semble pas y avoir eu d'afflux massif d'Iraniens traversant la frontière. Les autorités turques n'ont pas donné de chiffres sur le nombre de personnes arrivées depuis vendredi.
Mercredi après-midi, des correspondants de l'AFP ont vu un flux régulier d'Iraniens arriver, mais pas en grand nombre, et un nombre similaire repasser en Iran, soit quelques centaines au maximum.
- "comment osez-vous?" -
Un responsable des douanes au point de passage a estimé qu'il n'y avait rien d'inhabituel dans ces chiffres, Van étant une destination populaire pour les touristes iraniens.
"Il n'y a rien d'inhabituel par rapport à l'année dernière. Malgré la guerre, les arrivées sont assez stables", a-t-il dit à l'AFP sans donner son nom.
Malgré cela, les vols entre Van et Istanbul affichent complet dans les deux sens depuis des jours, tout comme les autocars longue distance. Les chauffeurs de bus turcs affirment que les chiffres ont augmenté au cours de la semaine dernière.
"Nous avions l'habitude d'avoir trois ou quatre bus entre 20 heures et 8 heures du matin, mais maintenant nous en avons 30", a dit à l'AFP le chauffeur Ismail Metin, précisant que beaucoup se dirigent vers Istanbul, à quelque 1.500 kilomètres de là.
De nombreux Iraniens ont également été aperçus en train d'essayer de rentrer chez eux, notamment Ramin Rad, 37 ans, qui travaille dans le secteur du carrelage.
Il se trouvait à Van pour son travail lorsque les bombardements ont commencé et espérait rentrer à Urmia, la plus grande ville de la province iranienne de l'Azerbaïdjan occidental.
"Ma famille est en sécurité", a-t-il assuré, ajoutant que la guerre ne déstabiliserait pas le régime. "Comment osez-vous changer le régime d'Allah ? Si Dieu le veut, les musulmans gagneront", a-t-il dit.
D.Prieto--HdM