
"La Patrie nous appelle": le Venezuela enrôle dans la milice pour faire face aux menaces américaines

Fonctionnaires, femmes au foyer, étudiants, retraités... Il y avait de longues queues samedi au Venezuela pour ce week-end d'enrôlement dans la milice voulu par le président Nicolas Maduro pour contrer une éventuelle invasion américaine.
Les Etats-Unis ont lancé une vaste opération antidrogue, déployant des forces navales et aériennes dans les Caraïbes. Trois destroyers vont notamment se positionner au large du Venezuela, dans les eaux internationales. Selon des médias américains, le président Donald Trump prévoit également d'envoyer 4.000 Marines.
Une "menace", un plan "immoral, criminel et illégal" pour tenter de le renverser ou d'envahir le pays, estime M. Maduro, qui avec cet enrôlement très médiatisé entend réaliser une démonstration de force à l'adresse de Washington et renforcer la cohésion au sein de ses partisans.
Cette semaine, M. Maduro avait déjà annoncé un plan spécial de déploiement de 4,5 millions de miliciens. La milice, composée officiellement de 5 millions de personnes est composée de civils mais intégrée dans l'armée. Ses critiques estiment qu'il s'agit d'un corps défendant l'idéologie de l'ex-président socialiste Hugo Chavez, dont Maduro se présente comme l'héritier.
- Paysans armés -
Partout dans le pays, ont été mis en place des centres de recrutement, dans les casernes mais aussi dans des bâtiments publics et même au palais présidentiel de Miraflores à Caracas.
A la Caserne de la montagne, lieu emblématique qui domine Caracas, où repose la dépouille d'Hugo Chavez (1999-2013), la population fait la queue.
"Je suis ici pour servir notre pays", déclare à l'AFP Oscar Matheus, 66 ans, qui a patiemment attendu pour s'enregistrer auprès d'une milicienne en tenue camouflage. "Nous ne savons pas ce qui pourrait arriver, mais il faut se préparer et continuer à résister", ajoute-t-il.
"La patrie nous appelle, le pays a besoin de nous", complète Rosy Paravabith, 51 ans, qui vient de s'inscrire elle aussi.
Une fois l'enrôlement complété, les volontaires passent dans une salle où est projeté un documentaire sur le blocus par les nations européennes du Venezuela en 1902 et 1903, en raison du refus du président de l'époque, Cipriano Castro, de payer la dette extérieure. Le film réalisé en 2017 montre des images d'archives avec des paysans armés ou analysant des cartes. Des navires de guerre sont visibles au loin.
Dans la salle suivante, une partie de l'armement est exposée : une mitrailleuse calibre 50 des États-Unis, un lance-grenades Carl Gustaf suédois, des lance-roquettes RPG d'origine soviétique et une mitrailleuse belge calibre 7,62 mm.
Un lieutenant de l'armée explique avec un langage technique la portée et leur usage. "Peut-on tirer avec cela vers le ciel ?", demande l'une des participantes. "Il est préférable de l'utiliser de façon linéaire", répond le militaire, soulignant qu'il faut viser l'ennemi.
Les effectifs de l'armée, particulièrement choyée par le pouvoir vénézuélien, ne sont pas officiels. En 2020, elle comptait environ 343.000 membres pour une population de 30 millions d'habitants, selon l’Institut international des études stratégiques (IISS), une taille similaire à celle du Mexique (341.000 soldats pour 130 millions d'habitants), et seulement dépassée en Amérique latine par la Colombie (428.000, pour 50 millions d'habitants) et le Brésil (762.000, 210 millions d'habitants).
Les États-Unis ont déjà réalisé des manoeuvres militaires importantes dans les Caraïbes par le passé mais le déploiement "antidrogue" des derniers jours survient quelques jours seulement après le doublement à 50 millions de dollars de la récompense pour toute information conduisant à la capture de Maduro, que Washington accuse de diriger un cartel de narcotrafiquants.
Dans les rues du Venezuela, la possibilité d'une invasion américaine est plutôt prise à légère avec de nombreuses plaisanteries alors que la plupart des experts considèrent peu probable une intervention directe américaine.
L’opposition a appelé à ne pas se présenter à l’enrôlement mais les partisans de Maduro prennent l'affaire au sérieux.
"Je m’enrôle pour le Venezuela, vive la patrie !", crient les volontaires après s’être inscrits. Des policiers et même des miliciens réservistes se sont présentés pour réaffirmer leur engagement.
"Je sais que, vu mon âge, je ne vais pas prendre un fusil, mais je suis prête à les aider", affirme Omaira Hernandez, 78 ans.
R.Alba--HdM