La "crise des inégalités" économiques menace la démocratie, selon un rapport du G20
Les inégalités de richesse constituent une crise mondiale qui menace la démocratie et la cohésion sociale, met en garde mardi un groupe d'économistes et d'universitaires, appelant les dirigeants du G20 à considérer cette crise au même titre que l'urgence climatique.
Cette "crise des inégalités" accentue la faim pour des milliards d'êtres humains et pourrait empirer sous le coup des politiques, notamment commerciales, de l'administration de Donald Trump, selon un rapport rédigé sous la houlette du prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz.
"Un habitant sur quatre dans le monde saute désormais un repas de façon régulière, quand la fortune accumulée des milliardaires a atteint un niveau inégalé dans l'Histoire", affirme le rapport commandé par la présidence sud-africaine du G20, qui réunira les plus grandes économies de la planète lors d'un sommet les 22 et 23 novembre à Johannesburg.
"Les inégalités sont un choix. C'est quelque chose que nous pouvons changer", a déclaré mardi Joseph Stiglitz lors de la remise officielle du rapport au président sud-africain Cyril Ramaphosa.
"Il nous appartient désormais, en tant que dirigeants du G20 et leaders mondiaux, de faire preuve de la volonté et de l'engagement nécessaires", pour réduire les inégalités, a déclaré M. Ramaphosa, qui entend faire de ce thème l'un de ses chevaux de bataille lors du sommet du G20.
Depuis 2000, soulignent les six auteurs, les inégalités de revenus entre tous les habitants de la planète ont diminué, en grande partie grâce au développement économique de la Chine. Mais les inégalités de richesses, elles, ont continué de se creuser à un rythme vertigineux.
"Entre 2000 et 2024, les 1% les plus riches du monde ont accaparé 41% de toutes les nouvelles richesses, tandis que seulement 1% (des nouvelles richesses, Ndlr) est allé aux 50% les plus pauvres", alerte le rapport.
"Dans les 30 prochaines années, 1.000 milliardaires vont transmettre plus de 5.200 milliards de dollars à leurs héritiers, en grande partie non taxés, perpétuant les inégalités d'une génération à l'autre", affirment les auteurs.
"Le monde comprend que nous sommes confrontés à une urgence climatique; il est temps d'acter le fait que nous faisons aussi face à une crise des inégalités", a plaidé le prix Nobel dans un communiqué diffusé avant la conférence de presse.
- "Erosion de la démocratie" -
M. Stiglitz et les cinq autres experts préconisent dans un premier temps la création d'un panel international sur les inégalités pour en comprendre tous les mécanismes, comme par exemple les techniques d'évasion fiscale. Ces analyses permettraient d'éclairer l'élaboration de politiques publiques.
Au titre des pistes pour redresser les inégalités, ils évoquent des mesures de justice fiscale, avec une contribution plus équitable des multinationales ou des plus fortunés, la stabilisation des prix, la fin des grands monopoles ou la restructuration de la dette des pays en voie de développement.
Ils font aussi part de leur craintes de voir les politiques de l'administration Trump, notamment l'imposition de droits de douane supplémentaires, accentuer les inégalités dans le monde.
"Ce nouveau monde, dans lequel le puissant enfreint les règles en toute impunité et qui nous éloigne d'un ordre international fondé sur des règles pour aller vers +la loi de la jungle+, pourrait systématiser des schémas inégaux d'échanges, d'investissements et de technologies...", s'inquiète le prix Nobel.
Le rapport, commandé par le président Cyril Ramaphosa, dont le pays est le plus inégalitaire du monde selon les calculs de la Banque mondiale, établit un lien entre les inégalités économiques et "l'érosion de la démocratie et la progression de l'autoritarisme".
"Les inégalités érodent la confiance dans les institutions, alimentent la polarisation de la politique (...) et créent un climat de tensions sociales de différentes natures."
Joseph Stiglitz, qui ne s'attend pas à recevoir le soutien des Etats-Unis pour la création d'un panel des inégalités, a toutefois espéré devant la presse qu'une majorité de pays se prononcera en faveur de cette idée.
L'Afrique du Sud est le premier pays africain à présider le G20, qui regroupe 19 pays, l'Union africaine et l'Union européenne, représentant 85% du PIB et deux tiers de la population de la planète.
Les relations entre l'Afrique du Sud et les Etats-Unis sont délétères depuis le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump, qui a déjà fait savoir qu'il ne participerait pas au sommet de novembre.
A.Cano--HdM