
En Jordanie, un hôpital pour les blessés des guerres au Moyen-Orient

Chahd Tahrawi a été blessée dans un bombardement israélien à Gaza. En Irak, une explosion a grièvement brûlé Houssam Abderrahmane. Blessé dans un raid au Yémen, Mohamed Zakaria enchaîne les opérations. Tous sont soignés dans un hôpital jordanien, aux côtés d'autres victimes de conflits au Moyen-Orient.
Dans une chambre de l'hôpital Al-Mouwasat, à Amman, Houssam Abderrahmane ne cache pas sa peine en regardant autour de lui "des civils victimes des guerres, brûlés par leurs flammes, dont la vie a été transformée à jamais", comme il le raconte à l'AFP.
Dans cet établissement, aussi appelé Hôpital de chirurgie reconstructive et géré par Médecins Sans Frontières (MSF), cet Irakien de 21 ans attend une neuvième opération pour des brûlures au troisième degré sur le visage, le cou, l'abdomen, le dos et la main.
Il avait été victime de munitions non explosées, après l'offensive contre le groupe Etat islamique à Samarra, au nord de Bagdad. Il a déjà subi 17 interventions chirurgicales en Irak.
"J'étais enfant quand j'ai été brûlé, il y a dix ans. Ma vie a été détruite, mon avenir aussi. J'ai dû quitter l'école, moi qui rêvais de devenir pilote", dit-il. "A travers toutes ces opérations douloureuses, j'essaie de retrouver une partie de mon apparence, et de ma vie".
- "Sentiment d'exil" -
Le jeune Irakien dit avoir tissé des liens avec d'autres patients d'horizons divers: "Surtout avec les Palestiniens et les Syriens. On passe de longs mois ici, et ces amitiés atténuent notre solitude et notre sentiment d'exil."
L'hôpital apporte également un soutien psychologique. Merel van de Geyn, chargée de communication chez MSF, explique: "ici, les patients se sentent en sécurité, entourés de personnes ayant vécu des situations similaires. Le soutien mutuel est extrêmement bénéfique."
"Ils viennent de zones de conflit à travers le Moyen-Orient: Syrie, Yémen, Irak, Gaza. Nous leur assurons un traitement complet et gratuit, incluant les vols, soins médicaux, nourriture et hébergement", ajoute-t-elle.
Chahd Tahrawi, 17 ans, se souvient de cette nuit du 9 décembre 2023 à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Les sept membres de sa famille dormaient lorsqu'une explosion a pulvérisé leur maison.
Le bombardement israélien a tué son père et sa sœur de 11 ans. Chahd et sa mère ont été blessées.
L'adolescente a subi cinq opérations -deux en Egypte, trois en Jordanie- pour des fractures et des lésions à la jambe gauche.
"Nous dormions. Je me suis réveillée au son d'une explosion, des décombres s'écroulaient sur moi, une odeur de poudre se répandait (...) Puis j'ai perdu connaissance", relate-t-elle.
- "Ne coupez pas ma jambe" -
C'est dans une ambulance qu'elle a repris connaissance. "Les secouristes appuyaient sur ma jambe pour arrêter l'hémorragie. Je leur ai dit: +S'il vous plaît, ne coupez pas ma jambe+."
Depuis sa chambre d'hôpital, elle suit ses cours à distance et rêve de devenir médecin, "pour sauver des vies, comme les médecins ont sauvé la mienne".
Créé en 2006 pour accueillir des blessés irakiens après l'invasion américaine, l'hôpital a progressivement élargi sa mission avec la multiplication des conflits dans la région.
En près de vingt ans, l'établissement a pratiqué quelque 18.323 opérations sur 8.367 patients venus d'Irak, du Yémen, des Territoires palestiniens, du Soudan, de Libye ou de Syrie. Des blessés par balles, mines, éclats d'obus, bombardements aériens ou effondrements d'immeubles.
L'hôpital, qui s'étend sur huit étages, dispose de 148 lits, trois blocs opératoires, un service de kinésithérapie et un autre dédié au soutien psychologique.
Les médecins de MSF évaluent les blessés dans leur pays d'origine. Ceux dont l'état de santé permet une prise en charge sont transférés par avion jusqu'à Amman.
- "Destruction" -
Dans un autre chambre, Quatre Yéménites partagent le même espace. L'un d'eux, Mohamed Zakaria, 16 ans, rêvait de devenir footballeur professionnel.
C'était avant d'être grièvement brûlé en 2016 à Yarim, au sud de Sanaa, lors de l'explosion d'un camion de gaz touché par une frappe aérienne.
"L'attaque a tué six de ses proches et amis", raconte son père, Zakaria Haïl, assis à son chevet.
Mohamed Zakaria ne peut pas parler à cause d'une opération récente à la mâchoire. "Il a subi deux interventions au Yémen, et six ici dont plusieurs greffes de peau", précise son père. "La guerre ne nous a apporté que destruction", lâche-t-il.
A.Cano--HdM