
Tennis: au terme d'une "belle ère", Gasquet "heureux" de sa carrière

A quelques jours de Roland-Garros où il prendra sa retraite sportive, l'ex-enfant prodige du tennis français Richard Gasquet (38 ans) revient pour l'AFP sur sa longue carrière, "heureux" de son parcours mais préoccupé par une "variété" de styles de jeu moindre qu'à ses débuts.
QUESTION: S'il fallait retenir un seul souvenir de votre carrière, ce serait lequel?
REPONSE: "C'est la chance d'avoir joué, tout simplement. Quand j'étais jeune, j'étais avec Jo(-Wilfried Tsonga), on regardait Roland-Garros à la télé. Se dire qu'un jour, j'ai pu jouer moi aussi ces tournois, aller loin en Grand Chelem, jouer des Coupes Davis... c'est quand même une chance. On a vécu des moments très forts émotionnellement."
Q: Nourrissez-vous certains regrets?
R: "Sur une carrière, tu as forcément des matchs où tu te dis que tu aurais pu mieux faire, mais dans l'ensemble j'ai quand même tout donné pour essayer de progresser, d'être meilleur. En face, il y avait des adversaires très forts, donc ça n'a pas toujours été évident. Il y avait ces quatre mecs en face (Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic, Andy Murray, NDLR) et tu savais qu'en Masters 1000, en Grand Chelem, même en Coupe Davis, il fallait toujours les affronter. Pour gagner des gros tournois, il y avait rarement des trous. Mais c'était quand même une belle ère."
Q: Malgré la domination du "Big 3", Stan Wawrinka et Andy Murray sont parvenus à gagner des Grand Chelem. Qu'est-ce qui a fait la différence entre eux et vous?
R: "Ils ont été meilleurs, tout simplement. Le tennis, c'est facile. Il y a un classement, un vainqueur, pas de tricherie. Murray, je pense qu'il était au-dessus de Wawrinka. Mais Wawrinka a progressé, il a réussi à les battre (Federer, Nadal et Djokovic, NDLR) à leur grande période. Et ça, c'est beau."
Q: Jo-Wilfried Tsonga, Gilles Simon, Gaël Monfils... avez-vous aimé partager la scène avec vos contemporains?
R: "C'était bien, parce qu'on s'est poussés. Je pense que quand j'étais jeune, j'ai poussé Jo, parce que j'étais plus fort, il m'avait un peu en ligne de mire. S'il a fait cette carrière, c'est aussi parce que j'étais devant. Monfils-Simon, pareil, ils ont progressé ensemble."
Q: Quand vous voyez ce que Gaël Monfils accomplit encore à 38 ans passés, vous ne regrettez pas de raccrocher?
R: "C'est très beau ce qu'il fait. Surtout, il est heureux sur le terrain. J'espère qu'il va continuer comme ça. Moi, je n'y arrive pas, c'est beaucoup plus dur. J'ai (quasiment) 39 ans, je préférerais en avoir 25. Mais bon, c'est le cours des choses. Tu sais qu'à un moment, quand tu es sportif, le corps, la rapidité, ça devient plus difficile. Mais dans l'ensemble, je suis heureux de ce que j'ai pu avoir."
Q: Vous avez fait la une d'un magazine spécialisé à 9 ans, gagné votre premier match sur le circuit ATP à 15... votre précocité a-t-elle été un atout ou un fardeau?
R: "Je pense qu'on n'était pas prêts. J'étais très fort, très jeune, on n'avait jamais trop connu ça en France. Tout le monde a appris autour de moi. J'ai pu, de temps en temps, manquer d'entourage. Ce n'est pas une excuse, c'est le petit truc que j'aurais aimé avoir. Quand tu as 15, 16, 17 ans, tu as envie de progresser, mais pas avec tous ces projecteurs-là. Il y a eu des moments où ça a été plus dur à gérer que d'autres. Mais bon, c'est mon histoire."
Q: Comment le tennis a-t-il évolué depuis le début de votre carrière?
R: "Il y a moins de variété qu'avant. Aujourd'hui, il y a une typologie de joueurs qui jouent tous à peu près de la même sorte, en frappant très fort avec un gros service. Il y a toujours eu des joueurs qui jouent en rythme: Tomas Berdych, Robin Söderling... Mais aujourd'hui, sur 100 joueurs, tu en as 95 qui jouent comme ça!"
Q: Le tennis est donc devenu plus ennuyeux à regarder?
R: "Le problème, c'est qu'il n'y a plus Federer. J'ai un manque de lui, de son jeu qui était incroyable. Après, j'aime beaucoup (Carlos) Alcaraz, qui est une belle vitrine pour le tennis. Il a quand même un super jeu. Il ne faut pas désespérer pour la suite."
Propos recueillis par Damien GAUDISSART
L.Bautista--HdM