
Tour de France: Arnaud Démare, le général devenu soldat

Plus vraiment dans le coup pour participer aux sprints comme à sa grande époque, Arnaud Démare n'hésite pas à mettre son ego et ses ambitions de côté pour se muer en capitaine de route lors de ce Tour de France afin d'aider Kévin Vauquelin.
"Quand on a Arnaud Démare qui roule pour nous, c'est quand même quelque chose de sacrément exceptionnel": l'hommage vient du "Vauq'", sixième du classement général et reconnaissant envers le sprinteur, de dix ans son aîné.
A bientôt 34 ans, le Picard était venu sur ce Tour pour se mêler aux sprints, mais n'a pour l'instant pas pu faire mieux qu'une 13e place dimanche à Châteauroux.
Il faut dire qu'il a été mis à contribution pour défendre les intérêts de Vauquelin, leader désormais bien installé d'une équipe Arkéa-B&B Hotels toute heureuse de figurer aussi bien au classement général.
- Rouler "sans compter" -
"Sur certaines étapes, on l'a vraiment utilisé beaucoup, on l'a vraiment utilisé longtemps, et on a occulté, quelque part, les arrivées au sprint", admet Didier Rous, directeur sportif de la formation bretonne.
"Le meilleur exemple, c'est Mûr-de-Bretagne, Arnaud a pris le vent pendant environ 15 kilomètres continuels, sans compter (...), a passé toute l'étape à prendre le vent, à s'écarter pour moi", confirme Kévin Vauquelin, idéalement placé ce jour-là au pied de la spectaculaire pente bretonne et septième au sommet.
Le changement de statut est net, sans conteste, pour celui qui reste le meilleur cycliste tricolore en activité avec un total impressionnant de 97 victoires, et qui continue de caresser le rêve d'attendre la marque symbolique de 100 succès.
Triple champion de France (2014, 2017, 2020), vainqueur de Milan Sanremo en 2016 et de deux étapes sur le Tour de France, Démare, dernier tricolore à avoir gagné à l'issue d'un sprint massif dans la Grande Boucle (en 2018), a très souvent eu l'habitude d'avoir une équipe à son service.
Il s'est d'ailleurs présenté au grand départ lillois accompagné de son poisson-pilote belge Amaury Capiot, mais n'a pas rechigné à se ranger derrière Vauquelin, à son aise lors des premières étapes et plusieurs jours sur le podium du général.
"J'aime donner à l'équipe et j'aime être utile", explique Démare, qui a tenté de se glisser dans l'échappée en début d'étape autour de Toulouse mercredi.
"Les journées comme Boulogne, les journées comme Rouen, les journées où c'est dur dans le final mais où je peux aider avant, j'aime bien le faire, je l'ai toujours fait, que ce soit par le passé déjà, mais on n'en parlait pas", souligne le double vainqueur du classement par points au Tour d'Italie (2020 et 22).
- Capitaine -
Précieux par ses qualités de pilotage et sa science de la course maintes fois éprouvées à l'approche des sprints massifs ou lors des classiques, il est un atout de poids pour son leader de 24 ans.
"Il a pris un rôle de capitaine qui est important dans le groupe, mine de rien, dans le placement, dans toutes ces choses-là", indique Didier Rous.
Un travail qui s'est fait au détriment des objectifs personnels du sprinteur, ce qui semble attrister Vauquelin.
"C'est ce que je n'ai pas pu lui redonner à des moments, parce qu'on m'a dit, +demain, il y a quand même une étape à jouer+, et Arnaud, lui, n'a pas compté ça", souligne le puncheur, qui appelle à "se rendre compte de son travail".
Et l'influence du Beauvaisien ne se limite pas à ce qui se passe sur le bitume. Démare a aussi aidé le Normand à grandir, à mûrir, et à s'accrocher dans les moments décisifs.
Il fait partie des cadres de l'équipe Arkéa B&B Hotels qui ont mesuré le potentiel de Vauquelin.
"Les directeurs sportifs et maintenant Amaury Capiot et Arnaud Démare, des gens qui ont plus d'expérience, m'ont dit +ce que tu fais c'est pas rien, crois en toi!+", insiste Vauquelin.
J.Lozano--HdM