
Royaume-Uni : feu vert de la justice à l'accord de restitution des îles Chagos à Maurice

La justice britannique a ouvert la voie jeudi à la signature de l'accord de restitution par le Royaume-Uni de l'archipel des Chagos à l'île Maurice après avoir rejeté un recours de dernière minute porté par deux Chagossiennes.
La signature de cet accord, qui devait initialement se produire jeudi matin, avait temporairement été bloquée par une ordonnance de la justice dans la nuit de mercredi à jeudi.
Cette dernière a été "révoquée", a annoncé le juge Martin Chamberlain, déboutant les deux requérantes Bernadette Dugasse et Bertrice Pompe. "Il ne devrait plus y avoir aucune autre mesure provisoire" contre cet accord, a ajouté le juge, ouvrant la voie à sa signature.
Le magistrat a estimé qu'un blocage pourrait être "préjudiciable" aux intérêts du public et du Royaume-Uni.
Le gouvernement travailliste s'est aussitôt réjoui de cette décision. "Cet accord est essentiel pour protéger la population britannique et notre sécurité nationale", a estimé un porte-parole de Downing Street.
Londres a accepté en octobre de reconnaître la souveraineté de l'île Maurice sur les Chagos à condition que le Royaume-Uni y conserve sa base militaire commune avec les États-Unis, sur l'île de Diego Garcia.
Cet engagement pris par le Premier ministre Keir Starmer, ancien avocat des droits de l'Homme, survient après plus d'un demi-siècle de litige. Mais il divise.
- "Securité nationale" -
A l'audience, l'avocat des requérantes, Philip Rule, avait affirmé que ses clientes avaient appris la nouvelle de la signature dans la presse, tard mercredi soir, et décidé de saisir la justice.
Ces deux femmes, résidant au Royaume-Uni, accusaient notamment dans leur requête le gouvernement britannique d'avoir pris cette "décision importante sans consultation" et mettaient en doute la capacité des autorités mauriciennes à "agir dans leur intérêt étant donné le mauvais traitement réservé aux Chagossiens".
L'avocat du gouvernement James Eadie avait quant à lui reproché aux requérantes d'avoir attendu le dernier moment pour se faire entendre. "Il y a un risque pour nos relations internationales si l'accord n'est pas signé", a-t-il soutenu, estimant que cette affaire ne relevait pas de la compétence de la justice.
Parallèlement aux auditions, une cinquantaine de membres de la communauté chagossienne s'étaient rassemblés devant la Haute Cour de Londres pour protester contre la signature de l'accord.
Certains brandissaient leur passeport britannique, d'autres des pancartes. "Sujets britanniques traités comme des citoyens de seconde zone", pouvait-on lire sur l'une.
- Résolutions onusiennes -
La finalisation de l'accord a été ralentie par l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche et un changement de Premier ministre à Maurice.
L'administration Trump a à plusieurs reprises critiqué cet accord, estimant qu'il favorisait la Chine, un allié de Maurice. Toutefois, le président américain a finalement annoncé début avril l'approuver.
Le texte, dont les contours exacts n'ont pas été dévoilés, est aussi critiqué par les Tories, qui le jugent contraire aux "intérêts britanniques".
Selon le projet d'accord, le Royaume-Uni conserverait un bail de 99 ans sur Diego Garcia, avec une option de prolongation.
Le montant du bail n'a jamais été évoqué publiquement mais le gouvernement n'a jamais démenti des informations de presse selon lesquelles il s'élèverait à 90 millions de livres sterling par an (107,7 millions d'euros).
Londres a conservé le contrôle des îles Chagos lorsque Maurice a obtenu son indépendance du Royaume-Uni en 1968.
Environ 2.000 habitants de l'archipel ont été expulsés dans les années suivantes, notamment de Diego Garcia, où est installée la base militaire, qui a notamment été utilisée comme plaque tournante pour les bombardiers et navires à longue portée pendant les guerres en Afghanistan et en Irak.
En 2019, l'Assemblée générale de l'ONU avait demandé au Royaume-Uni de rétrocéder sous six mois à l'île Maurice l'archipel des Chagos.
La résolution demandait "de reconnaître que l'archipel des Chagos fait partie intégrante du territoire mauricien, d'appuyer la décolonisation de Maurice le plus rapidement possible et de s'abstenir d'entraver ce processus".
Elle faisait suite à une décision dans le même sens de la Cour internationale de Justice quelques mois auparavant.
N.Calero--HdM